Si vous êtes des vrais fondus des Petits Mandarins, vous savez déjà que la langue chinoise n’est pas une langue difficile à apprendre : pas de conjugaison, pas de genre, pas d’accord… Un peu de vocabulaire, un soupçon de grammaire et vous voilà capables de converser avec plus d’un milliard de personnes ! C’est quand même bien pratique !
Mais le vrai défi d’une langue se situe dans la nuance, de ces nuances qui sont intrinsèquement liées à la culture. Ainsi lorsqu’un chinois entend un français dire “ il a cassé sa pipe ”, il court acheter une pipe toute neuve. De même si un français entend un chinois lancer : “ 自相矛盾 “ - opposer soi même sa lance à son bouclier - il pourra s'interroger longuement sur les raisons qui poussent son ami à se balader avec des armes médiévales. Il leur faudra un temps défini pour se rendre compte qu’ils n’ont pas interprété correctement le discours. Les deux langues usent d’images propres à leur culture qui sont difficiles voire impossibles à traduire. Les chengyu sont de celles-ci.
Proverbes, expressions et chengyu
On a tous déjà entendu ou vu des “ proverbes chinois “ , que ce soit en fin de repas dans un fortune cookie, dans une citation pour le moins cryptique partagée encore et encore sur les réseaux sociaux, ou dans un film de kung-fu mettant en scène un maître dont la longueur de barbe nous renseigne sur l’étendue de sa sagesse. Mais qu’en est-il réellement de ces belles phrases? Que peut-on appeler “ proverbe ”, que peut-on appeler “ expression ” ?
La terminologie traditionnelle chinoise distingue ordinairement quatre grands types d’expressions idiomatiques : les guanyongyu 惯用语 littéralement “expressions ordinaires”, les xiehouyu 歇后语 expressions à double volet, les yanyu 谚语 ce sont nos fameux proverbes! Et enfin les “chengyu” - intraduisible en Français puisque ce type d’expression n’existe qu’en Chinois ou dans des langues très influencées par le Chinois. Parfois appelés locutions idiomatiques quadrisyllabiques ou proverbes (mais alors que sont les yanyu ? ), les chengyu sont rédigés en langue classique car directement issus d’oeuvres anciennes. Ils sont invariables, insécables, composés de quatre caractères et toujours utilisés au sens figuré. Pour les comprendre, il faut en connaître l’histoire. Par exemple, si nous reprenons notre exemple précédent : “ 自相矛盾 ” on trouve dans le Hanfeizi 韓非子 l’histoire d’un homme qui vantait ses boucliers, prétendant que rien ne pouvait jamais les transpercer, il louait également la qualité de ses lances qui pouvaient passer au travers de n’importe quoi. Le jour où un badaud lui demanda ce qu’il se passerait s’il tentait de transpercer ses boucliers avec ses lances, il ne sut que répondre. Ce chengyu signifie “ se contredire “.
Les chengyu peuplent la langue chinoise, il en existe des centaines, des milliers, ils foisonnent, rendant les conversations et les textes plus imagés. Chaque semaine, Les Petits Mandarins vous propose d’en découvrir un sur sa page Facebook. Alors venez enrichir votre vocabulaire avec nous, mais gardez aussi à l’esprit que disséminer quelques chengyu dans son discours montre une maîtrise certaine de la langue et un niveau de culture, mais en utiliser à outrance confine vite au pédantisme. ;)